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Pourquoi m’acharner chaque jour ?

Pourquoi faire ça, comme ça, sans y penser vraiment ? 

Depuis l’aube de ma jeunesse, je sors la feuille ou le cahier, je pose le stylo, j’attends qu’il se passe quelque chose. Et il se passe toujours quelque chose, alors je recommence. Ce n’est ni un besoin ni une inspiration, j’expire, je me déleste, je m’allège, à mon insu. C’est juste ça : c’est ce que c’est. Parce qu’une fois écrit c’est là. Ce n’est plus en moi. Un acte naturel, néanmoins tous les jours je pique une colère contre ce moi qui écrit. Alors qu’il y a tant d’autres choses à faire de sa vie. Mais cette main me tire vers la page, la ligne, jamais droite. Ecrire pour qui, à qui ? Est-ce pour moi ?  Ou toi, derrière la page, lectrice, lecteur, avec tes rêves d’encre. 

La faille

Et si en fait, c’était pour nous ?

Chacun de nous, de part et d’autre de la faille.

Je ne sais pas qui tu es, cependant tu vas peut-être me lire. Tu me lis, tu m’emporteras avec toi, dans ta poche, ton sac. Mots, récits, se pelotonneront en toi tels des chatons affamés, abandonnés. Tu vas les recueillir, les choyer, ou les chasser parfois. Tu les nourriras de sourires, grimaces, de surprise ou d’incompréhension. Tu t’endormiras aussi peut-être avec eux.

Ou tu rêveras d’autre chose, à défaut de perfection. 

Nul livre n’est parfait. Loin de là. Il peut y avoir des mots justes, et encore. Des adjectifs qui sont des portes sur l’imaginaire. Il y a paraît-il, le style. Une légende de la douleur et de la page blanche. Des névroses qui se rencontrent. Toi, lectrice, lecteur, moi, auteur, écrivain, à l’écoute, esclave de la main de mon esprit. Ce sera peut-être un échange subliminal, télépathique.

Une phrase, quelque part dans une page, qui te touche autant que moi.

Ce serait un miracle.

Au delà de l’histoire, du sacro-saint suspense.

Que de la mécanique, du cambouis sur le stylo.

À peine adolescent, je me jetais dans cette faille de l’écriture. Savais-je seulement que j’écrivais ? Pour moi ? Pour elle ? Ma mère pour qui j’inventais des mots qui n’existaient pas. Une mère danseuse. Poupée d’amour mécanique, qui tourne et tourne, encore et encore, prisonnière du miroir de notre boîte à musique. Enfant silencieux, j’ai suivi ses traces sur le parquet usé de la salle de danse. Je glisse mes pas indécis dans les empreintes légères d’une femme arrachée à son pays, déracinée jusqu’à son dernier souffle. Mes mots l’apaisaient peut-être. Une femme désespérée qui me donna la vie en voulant perdre la sienne. Ai-je vécu l’expérience d’une mort imminente ?

Je suis né deux fois.

La lumière fut une renaissance.

Histoire de la première image.

Un peu comme Mattieu de Première Lumière. Un thriller dont le suspense est pour moi l’image de la lumière que nous voulons tous retrouver.

Et parfois vous croiserez dans Double Exposition le fantôme de mon père, ce héron de bord de route qui m’encourage à chaque moment important de ma vie. 

Et il y a cette faille invisible dans La Mort est dans l’Pré, celle des racines qu’on n'a pas vécues, connues, qui vous hantent. Un grand écart d’un grand-père normand, bouseux analphabète, devenu bibliothécaire dans les colonies françaises.

Et ce double, cette ambivalence, ce manichéisme qui nous tient tous dans notre identité, vous le croiserez dans l’aventure d’Angèle, happée par le froid du grand nord de Froide comme la Mort.

Et bientôt, au travers du suspense et des recettes de Meurtres en Cuisine, vous dégusterez peut-être le goût du conflit. Celui entre plaisir des sens, de la chair, sensation amoureuse, amour pur, ou preuve de l’existence de l’âme.

Et si dans l’écriture, je mettais sans le savoir tout le sel de mon âme. Peut-être pour essayer de l’entrapercevoir, entre deux caractères typographiques, entre les lignes de la main de mon esprit.

Puis-je décrire l’image de mon âme ?

Les mots et les images. Les images et les mots. 

Toujours eux. Ils sont mon squelette karmique. Je ne les réfléchis ni ne les pense. Ils jaillissent, ils s’écoulent, du plus profond jusqu’à plus loin. Avec l’âge, je sais que je me cache dans cette forêt de mots. J’y mets des larmes ou des sourires en guise de ponctuation. Ce que la vie engramme en moi transpire par les pores de mes mots. On s’en doute mais on ne le sait pas. Les mots deviennent des images, ces images en sont le paravent.

Il paraît que mon style est visuel. Parce que je décris ce que j’invente ? Peut-être verrez vous ce que je vois par instants. Et ce serait une bonne chose. La page comme un écran de cinéma. 

Mon métier de monteur, d’assembleur de tant de films et d’intrigues conduit à ma place.

Mon voeu est de dépasser cette facilité, petit à petit, roman après roman. Retrouver la liberté des mots fous. Dépasser le genre, me livrer complètement. Juste laisser aller ma plume dans quelque chose de plus vrai, sans être dans la confidence, comme là maintenant, dans cette phrase, ligne, tentative de storytelling authentique. 

Écrire c’est ouvrir la boîte de Pandore, et on n’y comprend rien ; pourtant tout est là. 

Alors oui, j’ai besoin de vous dans ces histoires, lectrices, lecteurs, pour diriger vers mon regard les reflets de ce miroir. Pour avancer, progresser, non pour vous plaire mais pour vous faire plaisir.

Celui de lire, de vivre avec ces mots chatons qui ronronneront pour toujours

dans un coin douillet de votre esprit.

J’ai eu envie de vous dire tout ça.

Ainsi vous savez un peu d’où je viens, à peine qui je suis. 

C’est cette faille, ce saut dans l’inconnu, ce pas en avant au-dessus du gouffre,

que je souhaite partager avec vous.

 

         Paul F. Husson

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